diumenge, de novembre 25, 2012
Espagne : la Catalogne hésite sur le divorce (LA CINQ, 24-11-2012)
A la veille des élections anticipées de dimanche en Catalogne, le camp nationaliste emmené par le président de région Artur Mas a jeté toutes ses forces pour défendre, face à Madrid, son projet d'un Etat souverain. En cas de victoire, ces élections seraient suivies dans les quatre ans d'un référendum sur l'autodétermination de la Catalogne. L'hypothèse d'un raz-de-marée en ce sens semble pourtant s'éloigner une peu.
Une ombre sur le grand soir
Pour qui aime les belles histoires simples, la dernière et fulgurante marche à l'indépendance de la Catalogne relève de l'épopée.
Un guerre éclair d'un peu plus de deux ans (voir encadré à droite) dont la bataille décisive aurait eu lieu le 11 septembre dernier. Ce jour-là, près d'un million de Catalans (un million et demi selon la Generalité, 600.000 selon Madrid) défilent à Barcelone, notamment pour la renégociation du Pacte fiscal qui, faisant payer la riche Catalogne d'avantage qu'elle ne reçoit de l'État central (comme nombre de régions d'Europe telles l’Île de France), aboutit selon ses détracteurs à une spoliation de 16 milliards d'euros à son détriment. Suscités ou spontanés, les slogans de la foule débordent vite la dimension pécuniaire : « independencia ! Adeu Espanya ! (adieu l'Espagne ! en Catalan) ou encore « Catalunya, nou estat d'Europa » (Catalogne, nouvel État d'Europe )». Ils confortent l’ambitieux président catalan, Artur Mas , jusqu'alors prudent : « Il y a une fatigue mutuelle entre la Catalogne et l'Espagne ».
En face, le Premier ministre conservateur Rajoy qualifie le mouvement de « vacarme » (« algarabia ») et n'ouvre aucune porte. Une réunion entre les deux hommes débouche le 20 septembre sur un rejet de toute renégociation fiscale. Invoquant ce qu'il appelle la « clameur populaire », Artur Mas annonce cinq jours plus tard la dissolution du Parlement régional, promettant, s'il est réélu, d'organiser un référendum d'auto-détermination dans les quatre ans. « L'heure, dit-il, est venue d'exercer notre droit » . Les partisans de l'indépendance sont sur un nuage, portés par des sondages qui - le reflux socialiste aidant - leur semblent très favorables.
Au fil des semaines et vus de près, ceux-ci se révèlent pourtant plus ambigus. Si, fin octobre, ils confirment encore une courte majorité (50,9 %) en faveur de l'indépendance, celle-ci ne recueille plus que 40 % si elle devait signifier une sortie de l'Union européenne. Le bémol est d'importance.
Barcelone
Dette
Forte de son tourisme et de son industrie, d'un grand port et de quatre aéroports internationaux, la Catalogne demeure indéniablement la région la plus prospère d'Espagne ce qui – à l'image du nationalisme flamand – alimente sa tentation séparatiste dans un contexte de crise économique peu propice au partage. Mais elle en est aussi aujourd’hui la plus endettée (22 % du PIB, 44 milliards d'euros).
Ses grands travaux lancés dans l'euphorie des années 2000 ont coûté cher. Aujourd'hui, la crise et l'éclatement de la bulle immobilière l'ont fortement atteinte. Malgré les mesures d'austérité du gouvernement régional (baisse de salaires des fonctionnaires, réduction des dépenses sociales et de santé), le déficit public demeure de 3,6 % du PIB en 2011. La dette de la Catalogne est classée par les agences de notation d' "obligations pourries", rendant difficile son accès aux marchés sans passer ... par le honni État central. Le taux de chômage y est de 22,5 % de la population active, à peine moins que le reste du pays. Conjugué à la baisse de sa natalité, le retour d'immigrés dans leur pays d'origine et les départs d'Espagnols auront fait perdre, selon les projections officielles 400.000 habitants à la région dans les dix prochaines années.
Dans ce contexte assez sombre, nombre d'acteurs économiques catalans, aussi « patriotes » soient-ils, ont quelque inquiétude à se trouver séparés du marché espagnol, voire de l'Union européenne. Or, celle-ci, par la voix de la commissaire – et vice-présidente de la Commission - Viviane Redding a fraîchement signalé que « l'UE ne peut reconnaître une indépendance unilatérale ». Rappel très formel, sans doute, au regard de la réalité qui prévaudra mais certains chefs de grandes entreprises locales ont annoncé leur départ en cas de sécession.
Dans le même temps, plusieurs centaines d'intellectuels espagnols – parmi lesquels le réalisateur Pedro Almodovar ou l'écrivain (hispano-péruvien) Mario Vargas Llosa ont fait paraître une pétition hostile à l'indépendance et favorable au fédéralisme : "Les indépendantistes convertissent leur idée particulière de l'Espagne en bouc émissaire sur lequel faire peser tous les malaises".
Un autre coup pour Artur Mas est venu cette semaine de la publication par le quotidien de centre droit El Mundo d'allégations de corruption l'éclaboussant, tirées d'un supposé rapport de police. Le Président catalan accuse Rajoy d'être à l'origine de la boule puante, ce que celui-ci dément (s'il « a un problème, il n'a pas à essayer de le reporter sur les autres ».
Le principal problème de Mas, en l'occurrence pourrait bien venir plus simplement des urnes. Sans signaler de vaste conversion dans un sens ou dans l'autre, les derniers sondages électoraux semblent indiquer une stagnation de sa coalition (Convergencia i unio, CIU) créditée d'environ 62 sièges sur 135 au parlement catalan … autant qu'aujourd'hui.
Une majorité relative, certes, mais éloignée du triomphe espéré de la majorité absolue. Les pragmatiques compromis qu'elle imposerait seraient dans cette configuration assez peu propices au grand soir catalan.
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