dimarts, d’octubre 16, 2012
La Catalogne joue avec l'indépendance (LE FIGARO, 16-10-2012)
La Catalogne joue avec l'indépendance
À Barcelone, le 11 septembre, une manifestation monstre a réuni des milliers de séparatistes catalans réclamant la maîtrise fiscale et la réduction de la participation à la solidarité nationale.
INFOGRAPHIE - Le projet séparatiste fait son chemin à Barcelone, sans que les autorités veuillent dévoiler leur stratégie.Le point de vue du directeur de l'Institut de sciences politiques et sociales de Barcelone.
Envoyé spécial à Barcelone
«Je ne suis pas dans la tête d'Artur Mas.» Politiques, chefs d'entreprise, analystes et journalistes… Tous, ou presque, avouent leur perplexité devant les projets du président de la Generalitat, le gouvernement régional. Artur Mas dit vouloir convoquer un référendum et donner à la Catalogne«un État en propre», ou encore «un nouvel État de l'Union européenne». Des formules imprécises qui lui permettent de ne pas utiliser le terme, encore tabou pour beaucoup, d'«indépendance».En dévoilant ainsi son projet, mais sans trop en dire, Mas a poussé jusqu'au bout le bras de fer entre sa communauté autonome et le reste du pays. Alors que l'Espagne est au bord du naufrage financier, la région la plus riche menace d'abandonner le navire.
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Le président régional appartient à Convergència i Unió (CiU), une formation de centre droit jusque-là qualifiée de «nationaliste modérée». Depuis la fin du franquisme, CiU a gouverné la Catalogne pendant vingt-cinq ans, sur trente-deux ans de vie démocratique. Ses cadres ont su négocier avec Madrid la décentralisation progressive et continue du pouvoir, en soutenant à tour de rôle le centre, la gauche et la droite lorsque ceux-ci manquaient d'appuis au Parlement espagnol. Le virage sécessionniste, du coup, a pris certains observateurs par surprise.
D'autres, au contraire, semblaient attendre ce moment avec impatience. «Nous pourrions être l'Allemagne de la Méditerranée!», s'exclame Oriol Pujol, secrétaire général de Convergència Democràtica de Catalunya (CDC), le principal parti à l'intérieur de la coalition CiU. Il attribue les projets souverainistes de son parti au refus de Madrid de négocier, notamment sur le pacte fiscal. Cette mesure phare du programme électoral de CiU devait permettre à la Catalogne de maîtriser la levée de l'impôt et de réduire sa participation à la solidarité nationale.
Peu après une manifestation indépendantiste monstre dans les rues de Barcelone le 11 septembre, Mas est allé présenter son projet au chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy (Parti populaire, PP, droite). Ce dernier a refusé catégoriquement de modifier le modèle fiscal. Cinq jours après, Mas convoquait des élections régionales anticipées, fixées au 25 novembre. Le prélude, souhaite-t-il, à un référendum d'autodétermination.
«Ce sont les premières élections d'une nouvelle étape», affirme Pujol, qui considère que «la seule voie qu'il nous reste, c'est d'avoir un État». «Un État indépendant?», lui demande-t-on. «Le Portugal est-il un État indépendant? Non. Ni la Grèce, ni probablement l'Espagne, répond-il. Ce sont des États souverains, qui ont décidé de transférer une partie de leur indépendance à des structures supranationales. Nous voulons mobiliser la majorité sociale de ce pays et lui donner l'occasion de se prononcer lors d'une consultation au cours de la prochaine législature.» La question qui sera posée par référendum n'est pas encore déterminée. «Elle dépendra du résultat des élections», indique Pujol.
Déficit d'infrastructures
La plupart des analystes jugent cette ambiguïté calculée. Iñaki Ellacuria, journaliste politique au quotidien catalan La Vanguardia, salue «les grands stratèges de CiU». «Après deux ans d'austérité, dit-il, on ne parle que des relations entre la Catalogne et l'Espagne». Résultat, les pères la rigueur de CiU sont les grands favoris du prochain scrutin. «Leur objectif, c'est la majorité absolue. Leur horizon, les élections. Après, se disent-ils, on verra bien», analyse le porte-parole adjoint du PP au Parlement régional, Santi Rodríguez.
La conjoncture et les petits calculs politiques ne suffisent pas, toutefois, à expliquer l'engouement nationaliste. Tous les sondages font apparaître qu'en cas de référendum, une courte majorité de Catalans se prononcerait en faveur de l'indépendance. Le sécessionnisme est également alimenté par la perception d'un abandon de la région. Beaucoup dénoncent un déficit d'infrastructures. Le directeur de la Chambre de commerce et d'industrie française de Barcelone, Philippe Saman, évoque par exemple le couloir méditerranéen. Le projet, qui doit tracer une longue ligne à grande vitesse du sud-est de l'Espagne jusqu'à la France, est régulièrement retardé ou reporté. «Aujourd'hui, on dit aux Catalans qu'il n'y a plus d'argent, avant on leur expliquait qu'il y avait d'autres priorités. La zone représente pourtant 60 % de l'économie et du commerce extérieur espagnols.» Observateur depuis trente ans du paysage économique et politique local, Saman croit que le pragmatisme l'emportera. «Le soufflé va retomber, dit-il. Mais le fond du problème, lui, subsistera.»
Trois questions à... Joan Marcet
LE FIGARO. - Quelle est l'importance de l'indépendantisme en Catalogne?
Joan MARCET. - On observe une montée progressive depuis le début des années 2000 et une accélération spectaculaire depuis deux ans. Lorsque l'on demande aux gens ce qu'ils voteraient dans l'hypothèse d'un référendum, tous les sondages enregistrent 51 % d'indépendantistes. Il s'agit d'un mouvement de fond.
Comment expliquez-vous cette évolution?
En 2010, le tribunal constitutionnel a retoqué la réforme du Statut (la «mini-Constitution» régionale qui répartit compétences et financements entre Madrid et Barcelone, NDLR). Cette réforme était perçue par une majorité des Catalans comme la dernière opportunité de négocier des relations correctes avec l'Espagne. Les médias catalans ont également mis l'accent sur le thème «L'Espagne ne nous aime pas». En face, les positions des adversaires des indépendantistes n'ont guère convaincu. Enfin, la crise a rendu plus visible le manque d'investissements économiques du pouvoir central en Catalogne.
La Catalogne peut-elle légalement organiser un référendum d'autodétermination?
Quel que soit le sujet, le gouvernement régional catalan ne peut pas, en l'état actuel, convoquer un référendum sans l'autorisation du Parlement espagnol. Pour qu'il le puisse, il faudrait effectuer une petite réforme de la Constitution. Mais s'il s'agit d'un référendum d'autodétermination, il faudrait réformer les premiers articles, et la démarche est alors beaucoup plus difficile. Reste la possibilité d'une consultation informelle… on entrerait là dans un terrain légal complexe.
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